Wonderbox week-end arsenic et parano: Nous avons toujours vécu au château


Tristesse et incompréhension. Pourquoi n'ai-je découvert que récemment Shirley Jackson ? Où avais-je la tête ?

Au lieu de continuer à m'arracher les cheveux et évacuer mes frustrations avec l'aide d'une tablette de chocolat, j'ai réfléchi et me suis dit que finalement la découverte d'un livre et dans le cas présent d'une autrice est tout aussi importante que la lecture de celui-ci. Instant révélation.


Je vais donc vous raconter comment j'ai rencontré Nous avons toujours vécu au château. Je ne peux pas vous garantir que cette histoire sera aussi passionnante que celle du bouquin mais je suis prête, j'ai fait craquer les articulations de mes doigts, en voiture Simone c'est moi qui conduis, c'est toi qui klaxonnes.

Parfois au travail je traîne sur Internet, je perds tout sens de l'effort mais je n'ai pas peur car je sais que si je suis virée je n'aurai qu'à traverser la rue pour trouver un job dans lequel je m'épanouirai.

J'étais à la recherche d'une nouvelle série dans laquelle me plonger, un petit tour sur Netflix et je découvre The Haunting of Hill House. Depuis que je suis gosse je suis fascinée par les histoires de maisons hantées et le fantastique en général. Heureusement pour moi je n'ai pas sombré dans le visionnage des émissions de télévision sur les phénomènes paranormaux. Faut pas déconner.

Un petit trailer comme mise en bouche, je suis déjà conquise. Peut-être que je n'avais vraiment pas envie de travailler ou alors je souhaitais simplement parfaire ma culture (c'est sûrement cela) mais je décide d'approfondir mes recherches et là sous mes yeux apparaît un nom inconnu jusqu'alors, Shirley Jackson.


The Haunting of Hill House est une adaptation du roman éponyme de Madame Jackson. Pas la première d'ailleurs. La Maison du diable, film réalisé par Robert Wise, ne vous dit peut-être rien (un classique à voir) mais si je vous parle de Hantise avec Catherine Zeta-Jones, Liam Neeson,... là éventuellement cela vous parle un peu plus. Vous voyez, je vous propose non seulement de la lecture mais également des films à regarder au chaud sous votre plaid.

Je me retrouve donc avec toutes ces informations et décide d'acheter deux livres de Shirley Jackson avant de commencer à regarder la série. Je jette mon dévolu sur La Maison hantée et Nous avons toujours vécu au château.

Fin de l'histoire.

Vous voyez, c'est toute une aventure. Nous sommes partis de Lenneth devant son ordinateur au travail pour arriver enfin au titre de ce billet. Avant de rentrer définitivement dans le vif du sujet, je vous conseille vivement la lecture de La Maison hantée puis vous pouvez enchaîner avec la série. Il s'agit d'une inspiration très libre du roman et coeur avec les doigts pour l'épisode 6 (seuls les vrais savent). L'horreur et la poésie se côtoient, se frôlent puis se touchent pour délicatement dévoiler les secrets de Hill House.

Vous l'avez bien compris, Shirley Jackson aime les mystères, les fantômes et les maisons que jamais Stéphane Plaza ne proposerait à la vente.

Afin de bien cerner l'ambiance tout à fait charmante de Nous avons toujours vécu au château , tout de suite le premier paragraphe du livre :

"Je m'appelle Mary Katherine Blackwood. J'ai dix-huit ans, et je vis avec ma soeur, Constance. J'ai souvent pensé qu'avec un peu de chance, j'aurais pu naître loup-garou, car à ma main droite comme à la gauche, l'index est aussi long que le majeur, mais j'ai dû me contenter de ce que j'avais. Je n'aime pas me laver, je n'aime pas les chiens, et je n'aime pas le bruit. J'aime bien ma soeur Constance, et Richard Plantagenêt, et l'amanite phalloïde, le champignon qu'on appelle le calice de la mort. Tous les autres membres de ma famille sont décédés."


Belle entrée en matière. S'agit-il d'un récit fantastique, d'un roman à suspense, d'un conte? C'est toute la magie du roman. A aucun moment, je n'ai réussi à déterminer si ce que je lisais relevait d'un genre en particulier. Ce fut comme dans un rêve, j'ai glissé et me suis laissée emporter par ce que Mary-Katherine, Merricat pour les intimes, voulait bien me raconter.

Elle vit donc avec sa soeur, Constance, dans une grande demeure aux abords d'un village. Très vite, vous apprenez que réside également dans le "château" un vieux monsieur plus très en forme, l'oncle Julian. Le quotidien est rythmé par des rituels: Merricat est la seule à sortir pour faire quelques courses au village, Constance s'occupe du potager et reçoit les quelques personnes encore prêtes à mettre les pieds dans la maison malgré le drame qui s'y est déroulé quelques années auparavant.

C'est petit à petit que les détails de celui-ci vont être dévoilés. Quelques indices déposés intelligemment par l'autrice: les chansons des enfants du village, les divagations de l'oncle Julian, les remarques perfides de Merricat.

Alors évidemment avez envie de savoir ce qu'il s'est passé. C'est LE mystère du roman. Cependant, très vite, alors que vous avancez dans l'histoire, l'essentiel ne se situe plus dans cette révélation tant attendue. Ce qui compte ce sont les personnages.

Ces rituels dont je parlais plus haut ce sont des protections, ils rassurent ou en tout cas semblent entretenir un semblant de normalité dans la vie des personnages vivant dans la grande demeure parce que sinon c'est le malaise permanent. Entre le vieil oncle invalide qui a perdu la boule et qui ressasse le passé, la grande soeur névrosée qui ne sort plus de chez elle et Merricat qui malgré ses dix-huit ans renvoie l'image d'une petite fille fragile mais un peu perverse, eh bien le lecteur ou la lectrice n'est pas du tout dans une safe place. Vous rajoutez à tout cela le cousin aux dents longues qui se pointe la bouche en cœur afin de prendre des nouvelles de la famille. Qui est fiable? Il ne faut pas oublier que Merricat est la narratrice, il n'y a qu'elle pour vous éclairer. Dès les premières pages du livre elle vous a annoncé que toute sa famille était décédée et cependant vous découvrez l'existence de l'oncle Julian. Première incohérence qui m'a incitée à rester très attentive et à chercher dans les mots de Merricat des double-sens ou des révélations. À tel point que j'ai fini par me demander si tout était réel. C'est là où le roman tombe dans le fantastique. De l’ambiguïté et des sous-entendus qui poussent à s'interroger: et si finalement tout cela n'était qu'une histoire de fantômes ?


Nous avons toujours vécu au château vous plongera donc dans une histoire où vous déciderez de ce qui est réel ou de ce qui ne l'est pas. Au delà des mystères et des secrets révélés au grand jour, vous comprendrez rapidement qu'il s'agit également d'un roman sur les traumatismes, les névroses et la paranoïa. Comment survit-on à un drame familial ? La lourdeur du quotidien ne participe-t-elle pas au malaise qui oppresse les derniers membres vivants de la famille Blackwood ?

L'histoire de Merricat n'attend désormais plus que vous.


Quelques références et précisions:

Vous trouverez La Maison hantée (272 pages) et Nous avons toujours vécu au château (240 pages) aux éditions Rivages et dans la collection Rivages/Noir. Respectivement 8,20 euros et 8,65 euros.

Afin de compléter votre nouvelle passion pour le gothique moderne, vous pouvez vous jeter sur la nouvelle d'Henry James intitulée Le Tour d'écrou. Pour les petits budgets, aux éditions Flammarion et dans la collection Librio pour 2 euros seulement.

The Haunting of Hill House, à regarder sur Netflix. Série de 10 épisodes réalisée par Mike Flanagan.

La Maison du diable film de 1963 réalisé par Robert Wise.
Hantise film de 1999 réalisé par Jan de Bont (le réalisateur de Speed, entre autres)
Je n'en ai pas parlé dans la chronique mais vous pouvez également regarder Les Autres film de 2001 réalisé par Alejandro Amenábar.






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