Americanah : “Racism should never have happened and so you don't get a cookie for reducing it"


Flâner dans une librairie, consulter des blogs littéraires et puis finalement tomber sur une photo représentant une pile de livres d'une amie rencontrée à la fac. Une discussion sur ses lectures est lancée et dans cette montagne de romans qu'elle compte lire, un nom d'autrice : Chimamanda Ngozi Adichie. Ce conseil de mon amie : "Tu devrais lire ses livres, je te connais, cela va te plaire". Je tiens en très haute estime ses goûts littéraires, elle aime les choses bien écrites. J'ai mis du temps avant de me lancer et puis enfin j'ai commencé la lecture d'Americanah lors d'un vol Paris-New York (j'essaie de créer une ambiance, ce n'est pas pour crâner). Et voilà le résultat :


Chimamanda Ngozie Adichie est née au Nigeria en 1977 puis elle quitte son pays à l'âge de 19 ans pour les États-Unis où elle va obtenir un tas de diplômes dont un Master en création littéraire. Je trouve cela très classe et puis je suis très jalouse. Moi à 19 ans, j'ai quitté Arques dans le Pas-de-Calais pour Lille dans le Nord.

Elle écrit des recueils de poèmes, des pièces de théâtre puis un premier roman en 2003 (L'Hibiscus pourpre), un deuxième en 2006 (L'Autre moitié du soleil), un recueil de nouvelles en 2009 (Autour de ton cou) et enfin Americanah en 2013. Elle n'a pas chômé.

Ses livres parlent du Nigeria, de racisme, de domination, de féminisme, de allons faire la nique au patriarcat parce qu'il nous pète bien les ovaires.


Un autre truc qui doit agacer Chimamanda Ngozie Adichie c'est quand on lui dit que son succès c'est grâce à Beyoncé. Celle-ci utilise dans son titre Flawless une partie du discours We should all be feminist prononcé par l'autrice. Avec son autorisation donc pas de problème là-dessus mais Chimamanda Ngozie Adichie ne se reconnait pas dans le féminisme de Beyoncé et elle explique pourquoi : "Le féminisme de Beyoncé donne une trop large place à la nécessité d'avoir un homme à ses côtés. Je les trouve charmants, mais je doute que les femmes doivent tout rapporter à lui en se demandant sans cesse “Est-ce qu'il m'a fait mal? Dois-je lui pardonner? Va-t-il me passer la bague au doigt ?"
En gros, ton Single Ladies (Put a ring on it) tu peux te le carrer où je pense.


Americanah va vous emmener dans trois continents et raconte l'histoire d'Ifemelu qui quitte le Nigeria pour aller faire ses études à Philadelphie. Alors oui nous pourrions penser que ça sent un peu l'autobiographie mais l'autrice a expliqué avec beaucoup de malice qu'"il y a un peu de moi chez Ifemelu, mais autant que chez Obinze". Obinze c'est son grand amour, celui de son adolescence, celui qui continue d'envahir ses pensées après son départ du pays natal. Je vous préviens tout de suite, nous ne sommes pas dans un bouquin de Barbara Cartland ni un truc de la collection Harlequin. L'amour peut être raconté avec autre chose que de la guimauve et des petits cœurs.

L'histoire débute au moment où Ifemelu décide de rentrer au Nigeria après treize ans passés aux États-Unis. Des années riches de petits bonheurs et de grands combats, parsemées de désillusions et de frustrations. Après quelques galères, elle décide de créer un blog où elle traite principalement d'un sujet : la couleur de peau. S'il y a bien une chose qu'a remarquée l'héroïne en arrivant aux États-Unis, c'est qu'ici, la couleur ça compte. Au Nigeria, elle ne se posait pas la question. Son retour sera d'ailleurs marqué par cette réflexion : "En descendant de l'avion à Lagos, j'ai eu l'impression d'avoir cessé d'être noire". Féminisme, différences entre les Afro-Américains et les Africains, discrimination, la symbolique renfermée dans les cheveux des femmes noires,... Ifemelu brise des tabous, met les pieds dans le plat. Son blog est un succès. S'enchaînent des conférences, des ateliers de lecture, des rencontres entre intellectuels. Ifemelu est devenue une personne reconnue. Alors pourquoi tout plaquer et retourner au Nigeria ?

Vous savez ce qu'il vous reste à faire pour comprendre et découvrir tous les tenants et aboutissants de l'histoire de notre héroïne mais aussi celle d'Obinze car en parallèle nous suivons également son parcours, semé lui aussi d'embûches, entre échecs cuisants et réussites pas toujours satisfaisantes.


Chimamanda Ngozi Adichie a un sens de la narration qui vous emporte dès la première page. Ce livre est un page-turner comme on dit en anglais, il est doté d'un humour caustique qui apporte un peu de légèreté tout en traitant de sujets graves. J'envie ceux et celles capables d'utiliser ce type d'humour car il faut savoir faire preuve de beaucoup de finesse et d'intelligence. Alors attention, l'intelligence j'en ai quand même un peu, la finesse faut que je la travaille encore, un petit coup de truelle, un peu de mortier je devrais y arriver.

Ce que je retiens d'Americanah c'est de m'avoir ouvert les yeux sur des problématiques que la petite oie blanche que je peux être parfois n'avait pas percuté et j'espère que si vous lisez ce livre votre vision du monde, de votre petit monde, en sera définitivement changée. Lorsque j'ai fermé le bouquin tout en dégustant un donut au chocolat et en écoutant le tumulte de l'Upper West Side (toujours pour l'ambiance je vous dis), j'ai été prise d'une soudaine nostalgie et le besoin d'un petit retour en arrière, celui où alors que j'étais en train de pester dans mon siège classe économique qui me bousillait les fesses, je tournais la première page d'une œuvre magistrale, prête à devenir un classique de la littérature.


À lire, à découvrir

Vous pouvez courir dans votre librairie préférée pour vous procurer Americanah chez Folio pour la modique somme de 9 euros et il y a aussi les bibliothèques ou les prêts entre ami.e.s parce que oui je sais 9 euros c'est peut-être un détail pour certains mais pour d'autres ça veut dire beaucoup.

Féministes convaincues, pro-féministes curieux et féministes en apprentissage, vous devez lire Nous sommes tous des féministes chez Folio au prix de 2 euros et Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe chez Gallimard pour 8,50 euros.

Vous pouvez également tapisser vos murs des phrases toutes plus percutantes les unes des autres de Chimamanda Ngozi Adichie. Des révélations, des inspirations.






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