A la faveur de l'Automne d'Ali Smith, revient cette douce mélancolie


C'est l'histoire d'un vieux monsieur et d'une petite fille devenue adulte. Un conte entre rêve et réalité, parsemé de souvenirs et du bruissement des pas du temps qui passe.

Daniel Gluck est dans un établissement de soin. Il dort, il rêve. A son chevet, Elisabeth Demand, qui lui fait la lecture. Des livre lus pour offrir sa présence et sa voix à son vieil ami. Le conte de deux cités de Charles Dickens, Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley et Les Métamorphoses d'Ovide seront évoqués dans Automne. Choisis au hasard par Elisabeth, avec un but bien précis pour Ali Smith. Nous sommes en 2006, le Brexit vient d'être voté avec pour conséquence un accroissement des tensions entre les habitants du pays. S'y ajoutent les questions de politique migratoire. L'air est lourd des querelles continuelles. La réalité est sombre alors que les rêves et les souvenirs sont des refuges, des cocons protecteurs. L'absurdité du monde est particulièrement mise en avant dans le passage concernant le renouvellement de passeport d'Elisabeth. Moment comique et grotesque mais révélateur des malaises de la société britannique sur ses rapports avec l'identité.


Nos héros se connaissent depuis des années mais se sont perdus de vue. Le temps qui file comme le vent. Daniel est le voisin d'Elisabeth. Elle est d'abord méfiante car sa mère, femme aux idées perchées, l'a mise en garde. Un vieil homme vivant seul et qui en plus a l'air d'apprécier des œuvres d'art, selon elle de mauvais goût, c'est suspect. La curiosité l'emporte et progressivement une amitié durable voit le jour. Daniel joue le rôle de mentor, lui faisant découvrir la littérature, l'art et le cinéma. A chaque rencontre, il lui demande en premier lieu ce qu'elle est en train de lire. Question qui entraîne d'autres questions, qui engendrent des discussions, qui font naître des liens forts entre les personnages.

Des flashbacks et des rêves permettent de mieux les découvrir. Moments fragiles, évanescents qui apportent de la douceur et de la mélancolie à l'histoire qu'Ali Smith souhaite nous raconter. Grâce aux souvenirs de Daniel, l'ombre de Pauline Boty devient omniprésente. Cette femme, qu'il a connue, qu'il a aimée, est l'une des créatrices du mouvement pop-art britannique et la seule artiste féminine britannique de ce mouvement. Il passe le flambeau à son amie pour que Pauline Boty ne soit pas oubliée. Elisabeth en fait son sujet de recherche dans le cadre de ses études en histoire de l'art. L'occasion pour les lecteurs de découvrir cette artiste peu connue, femme jetée une fois de plus vulgairement dans les limbes de l'Histoire.


Premier volet d'une série de quatre livres, Automnenous emporte vers nos propres souvenirs, nous interroge sur notre perception du temps. Nous méditons. Les aspects politiques de l’œuvre ne font que renforcer la fragilité de nos vies et de la façon dont nous décidons de construire celles-ci. Nous offrant une histoire à la fois drôle et poignante, Ali Smith réussit à nous faire naviguer facilement entre le rêve et la réalité. Au fil des pages, tout semble se mélanger inextricablement et pourtant un sursaut et très vite de nouveau nous savons si nous avons glissé dans un rêve de Daniel, un morceau de l'enfance d'Elisabeth ou la dure réalité du monde post-Brexit.

L'automne, saison où tout semble s'échapper pour disparaître à jamais. Déclin du corps et de l'esprit, métaphore de la vieillesse. Et pourtant, il semble que l'automne ne soit là que pour nous permettre de nous préparer aux rigueurs de l'hiver et enfin d'un bond d'un seul se réveiller vaillamment au printemps.


Automne d'Ali Smith sera disponible à compter du 4 septembre dans votre librairie et c'est aux éditions Grasset pour la modique somme de 19 euros.




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