Saga, c'est plus fort que toi


J'ai terminé le tome 9 de Saga il y a quelques mois. Le dernier avant une pause d'un an décidée par les créateurs de ce comics, Brian K.Vaughan et Fiona Staples, qui au fil des tomes n'ont cessé de me surprendre. Pas facile donc d'attendre la suite des aventures de tous les personnages de Saga surtout quand la dernière page du dernier volume vous laisse un goût amer dans la bouche et l'impression que l'on vient de vous balancer un direct du droit dans la figure. Battue par K.O, position fœtale, j'ai perdu, le titre de mon billet n'aura jamais eu autant de sens. Je glisse rapidement dans ce paragraphe une information importante : j'ai découvert ce comics en me baladant dans le Midtown Comics de Times Square et je compte inventer le jeu du combien de fois Lenneth a cité New-York dans ses billets et faire gagner les livres que j'ai lus dans cette ville.


Alana donne naissance à une petite fille sur la planète Cleave, pas vraiment l'endroit idéal, c'est moche, ça pue, rien qui ne fasse rêver pour mettre au monde un enfant. Son compagnon et elle n'ont pas vraiment eu le choix. Ils fuient. Ils fuient désespérément la colère des leurs. Ils n'étaient pas faits pour vivre ensemble et tisser des liens car Alana est originaire de la planète Landfall alors que Marko vient d'une lune de cette planète, Wreath. Elle a des ailes, il a des cornes. Leurs peuples sont en guerre depuis un bon bout de temps. En somme, une histoire d'amour improbable.


Découvrir comment ils sont arrivés sur Cleave, comment ils se sont rencontrés, on veut le savoir, c'est indispensable mais pas le temps, pas tout de suite en tout cas. Ils sont pourchassés, la situation est tendue, laissons-les s'enfuir. A leurs trousses, les soldats de leur patrie d'origine. Faudrait pas que ça se sache quand même : un Wreather et une Landfallian qui ont joué à touche-pipi, un petit plaisir qui a eu pour conséquence la naissance d'un être vivant, c'est dangereux. Politiquement et militairement.

Par ailleurs, afin de régler cette situation plus vite, sont envoyés d'un côté un chasseur de prime, The Will, engagé par le haut-commandement de Wreath. Il est accompagné de sa fidèle Lying Cat qui a une capacité bien pratique. En gros, lorsque vous mentez elle ne peut s'empêcher de le dire. Elle le sait, c'est comme ça. Je suis bien contente que mon chat ait pour seule capacité d'avaler une gamelle de croquettes plus vite que son ombre sinon la vie deviendrait vite plus compliquée.


De l'autre côté, Prince Robot IV, du Robot Kingdom (eh oui) doit lui aussi mais à la demande de Landfall partir à la recherche des fuyards. Les habitants du Robot Kingdom sont des humanoïdes avec une télévision, qui n'est pas de dernière génération, à la place de la tête. Leurs émotions lorsqu'elles sont particulièrement intenses apparaissent parfois sur l'écran, elles prennent des formes plus ou moins perturbantes.


Au fil des aventures d'Alana et Marko, viennent se rajouter progressivement d'autres personnages. Izabel, fantôme d'une adolescente, dont il ne reste que le haut du corps avec une jolie vue sur les intestins qui pendouillent, l'autre partie ayant été emportée par une mine. The Stalk, chasseuse de primes comme The Will, ancienne amante de ce dernier, femme blonde au corps d'araignée.

Au milieu de cette galerie de personnages riche et originale, n'oublions pas Hazel car Saga, c'est l'histoire d'Alana et Marko racontée par leur fille. Ce que vous allez découvrir c'est son regard sur le monde dans lequel elle a grandi, ses sentiments, ce qu'elle a appris sur la vie et ses aléas.


Dans un cadre de space-fantasy très inspiré de Star Wars, Saga interpelle. Il y est question d'un amour interdit qui remettrait en cause le pouvoir que certains s'évertuent à conserver mais le comics va plus loin que ce sujet finalement déjà traité dans d'autres oeuvres. C'est grâce à la profondeur des personnages secondaires, qui font avancer l'histoire d'Alana et de Marko, que le comics gagne en originalité. Ils étoffent les aventures de ces derniers, qu'ils s'opposent ou s'allient avec nos deux protagonistes. Plus qu'une histoire d'amour banale, les créateurs de Saga font entrer en scène des personnages féminins forts, qui ne sont pas des victimes attendant d'être sauvées, parlent d'homosexualité, de transidentité. La sexualité est abordée ouvertement, c'est parfois comique, parfois triste mais toujours avec beaucoup d'intelligence.

Un scénario haletant, une narration dynamique, c'est ce que vous offre avec beaucoup de générosité Brian K.Vaughan. Quant à Fiona Staples, elle fait vivre les personnages de Saga grâce à une palette de couleurs qui met en valeur ces derniers et les laissent toujours au premier plan.

Nous sous-estimons un peu trop le potentiel des comics à nous étonner, nous interroger et même nous secouer dans nos façons de penser ou de percevoir le monde qui nous entoure. Beaucoup y voient encore un simple livre avec des images où peu d'idées intéressantes sont développées. De l'ignorance, du mépris, les deux, je ne sais pas. Vous avez Saga pour changer d'avis.

À lire, à découvrir

Deux propositions:

Chez Image Comics pour celles et ceux qui souhaitent lire les neuf tomes en anglais. Entre 10 et 16 euros le tome. Des éditions de luxe regroupant trois volumes sont sortis. La toute dernière regroupant les tomes 7, 8 et 9 sort le 4 juin.
Chez Urban Comics pour celles et ceux préférant tranquillement lire en français. Les neuf tomes sont sortis, vous pouvez donc vous faire plaisir. C'est 15,50 euros le volume.

Et si vous souhaitez en découvrir un peu plus sur le travail de Brian K.Vaughan, vous pouvez commencer la lecture de Paper Girls ou de Y the last man.

N'oubliez pas les livres, romans, essais, comics, ... ce n'est que du plaisir.


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