Africa unite : Rouge impératrice de Léonora Miano


Katiopa
, XXIIème siècle. L'Histoire a pris une autre tournure. Ceux qui se croyaient les gagnants sont devenus les perdants. L'Europe s'est effondrée sous l'afflux des migrants venus d'Afrique. Les Fulasi, ou Sinistrés, ont alors fui vers l'Afrique subsaharienne francophone, pensant y retrouver une forme d'autorité, du pouvoir et leur langue. Toujours cet égo démesuré leur permettant de penser qu'ils avaient toujours leur place au sein des anciennes colonies. Cependant, l'Histoire aime jouer des tours et les luttes de libération, les Chimurenga, ont tout renversé. Un État unifié, une sorte d'États-Unis d'Afrique, s'est constitué et la nouvelle génération des Fulasi n'est plus la bienvenue. Elle est considérée comme non-assimilable, incapable de s'intégrer et repliée sur son identité. Il faut agir.

Dans ce nouveau monde, où modernité et traditions ancestrales se côtoient, Boya et Ilunga s'éprennent l'un de l'autre. Un amour puissant, prêt à tout pour pouvoir s'épanouir librement. Autour d'eux des embûches en veux-tu en voilà car Ilunga est le chef, le Mokonzi, de cet État, du Continent. Des responsabilités, des choix à faire, des personnes à ménager. Le pouvoir c'est vite fatigant. Homme marié, une relation qui n'a plus grand sens mais entre adultes intelligents on sait s'arranger. Boya c'est la Rouge, une femme à la chevelure rousse et à la peau cuivrée, "une femme-flamme". Elle est enseignante dans une université et ses recherches portent sur les Sinistrés. Sa vision des choses va bouleverser les orientations politiques de son amant. Elle est très vite considérée comme un danger pour Katiopa. Le Kalala (le ministre de la sécurité intérieure), décide de prendre des mesures radicales. Ce couple doit être séparé, peu importe ce qu'il en coûte. Boya et Ilunga vont devoir se montrer plus rusés face aux obstacles qui se dressent devant eux. Esprits anciens et technologies de pointe vont être leurs alliés.

Décrit par l'autrice comme un roman afrofuturiste, Rouge impératrice est un livre surprenant par sa richesse. Elle mélange habilement amour, politique et identité. Elle a par ailleurs expliqué dans une interview qu'elle s'était passionnée pour le nationalisme français contemporain et son obsession pour l'invasion africaine de son territoire. Elle a donc décidé de pousser jusqu'au bout cette angoisse. De quoi donner des sueurs froides aux racistes de tout poil. Dans le même temps, elle ne fait pas preuve d'angélisme, Katiopa est loin d'être un Etat sans défaut. Il y a des luttes de pouvoir, des discriminations, des intérêts à servir. L'idée n'est pas que l'Histoire se répéte, c'est bien plus compliqué que cela mais il y a des reflets, des ressemblances et beaucoup de questionnements.

Malgré toutes les qualités que renferment le roman, l'histoire d'amour m'a quelque peu dérangée car elle prenait trop de place à mes yeux et je la trouvais trop idyllique. Autant l'avouer, j'ai beaucoup de mal avec ce sujet. Je suis persuadée que la relation d'Ilunga et de Boya plaira à beaucoup de lecteurs et lectrices. L'écriture est parfois un peu indigeste et ne conviendra pas à tout le monde. J'ai trouvé cela épuisant à certains moments. Néanmoins, je ne peux que me montrer admirative devant Léonora Miano qui lorsqu'on lui demande ce qu'elle ferait si elle pouvait changer une chose dans le monde répond qu'elle abolirait le capitalisme et l'esprit de domination. Respect donc.


Rouge impératrice aux Editions Grasset, en librairie le 21 août au prix de 24 euros.
Je vous invite à lire et/ou regarder des interviews de l'autrice, j'aime beaucoup comment elle porte sa réflexion sur l'identité. Une belle découverte donc.





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