DING DONG The Witch is [not] dead : Sorcières, la puissance invaincue des femmes
Cela doit commencer un peu à se voir dans mes billets et ce sont surtout ceux qui ne me connaissent pas qui doivent se poser la question : " elle ne serait pas un peu féministe celle-là ? "
Être féministe. Je les entends les ricanements, je les vois les sourires et les regards amusés, les yeux qui se lèvent au ciel. Pour beaucoup, c'est un gros mot, plus nécessaire d'être féministe, c'est bon nous avons obtenu l'égalité et puis surtout nous ne sommes jamais contentes, nous en voulons toujours plus. Et puis c'était pire avant alors c'est bon ça va, faudrait peut-être que nous arrêtions de nous plaindre.
C'est du vécu, du quotidien. Des remarques souvent de la part d'hommes mais aussi parfois de femmes. Le patriarcat est une soupe que nous ingurgitons dès notre plus jeune âge et il y a clairement quelqu'un qui a pissé dans cette soupe parce qu'elle pue un peu. Alors pourquoi nous continuons de la boire et les yeux bien fermés en plus ?
Faire la différence entre l'égalité de droit et l'égalité de fait est sûrement un premier pas pour comprendre un peu mieux pourquoi le féminisme est toujours d'actualité. Pour faire simple, l'égalité n'a de valeur que si elle se concrétise par une égalité de fait. Et ce raisonnement fonctionne aussi avec la lutte contre le racisme, l'homophobie,...
Se déconstruire pour mieux se reconstruire. C'est comme la sonnerie du réveil le matin, c'est douloureux et non je n'ai pas envie de me lever. Ouvrir les yeux, voir qu'il y a quelque chose qui cloche. Tout remettre à plat. C'est une étape très importante car elle va prendre du temps et surtout il va falloir réfléchir et accepter d'avoir eu tort de penser de telle ou telle manière. Reconnaître ses erreurs dont en plus nous n'étions pas toujours conscients, après tout on nous avait toujours dit que c'était comme ça et pas autrement.
Pour mener le combat, il faut s'organiser. Rien de mieux pour cela que la lecture. Ouvrir des livres pour ensuite recracher à la face de l'ennemi les mots. Comme des balles et des poignards. Des armes qui peuvent toucher leur cible et atteindre leur but.
Le livre de Mona Chollet, Sorcières, la puissance invaincue des femmes fait désormais partie de mon artillerie et je compte bien m'en servir régulièrement pour combattre encore et toujours le patriarcat et ses sbires.
Je connaissais Mona Chollet grâce au Monde Diplomatique dont je lis quelques articles. En revanche, je n'avais lu aucun de ses livres. La télévision, la presse, la radio et les réseaux sociaux, impossible d'échapper à la sortie de Sorcières. J'ai quand même plissé le nez quand j'ai découvert que l'autrice était pour l'abolition de la prostitution. Sujet très complexe sur lequel je ne vais surtout pas m'étendre ici et maintenant. Les pro-sexe et les abolitionnistes ont des arguments. Où est-ce que je me situe ? Attendez je crois que ma tête va exploser. C'est bien ce que je disais, nous en parlerons un autre jour.
J'ai d'abord pensé bêtement qu'il s'agissait d'un livre qui traitait de l'histoire de la sorcellerie et du rapport entre le sexisme, le patriarcat et les sorcières uniquement pendant les grandes chasses. J'ai très vite compris (en lisant la quatrième de couverture, très utile ce truc) que Mona Chollet me proposait plus qu'une analyse historique.
Plusieurs thématiques sont développées et cela grâce à l'expérience personnelle et aux recherches de l'autrice. Grossièrement, elle fait le point sur les femmes considérées comme suspectes. Sachez que de toute manière si vous êtes une femme, vous êtes suspecte même si vous avez l'impression d'être conforme, oui comme une certification, avec un tampon sur les fesses.
La femme indépendante, c'est la femme célibataire et s'il faut faire le lien avec les sorcières nous pouvons rajouter les veuves. Ces femmes ont en effet été particulièrement visées pendant les grandes chasses. "Rien, dans la façon dont la plupart des filles sont éduquées, ne les encourage à croire en leur propre force , en leurs propres ressources, à cultiver et à valoriser l'autonomie. Elles sont poussées non seulement à considérer le couple et la famille comme les éléments essentiels de leur accomplissement personnel, mais aussi à se concevoir comme fragiles et démunies, et à rechercher la sécurité affective à tout prix, de sorte que leur admiration pour les figures d'aventurières intrépides restera purement théorique et sans effet sur leur propre vie". Citation qui me rappelle que très jeune, mes héroïnes préférées étaient des modèles, elles m'inspiraient et je n'ai pas cédé. Cette admiration dont parle l'autrice a eu un effet sur ma vie. Non Mona Chollet ne vous dit pas de fuir à tout prix le mariage (quoi que) mais plutôt de conserver ou de développer votre autonomie. Votre vie ne doit pas tourner autour du couple, restez libres ou vous étoufferez. La femme indépendante c'est une femme qui décide et donc des testicules qui se rétractent.
Passons à la femme sans enfant. Contre-nature pour certains, un danger pour l'humanité pour d'autres. Jacques Séguéla disait que "si à 50 ans on n'a pas une Rolex, c'est qu'on a raté sa vie", ce n'est pas malin du tout de balancer ce genre d'âneries mais pas moins que ceux et celles qui sont persuadés qu'une femme qui ne fait pas d'enfant ne pourra avoir une vie totalement accomplie. " Un homme qui ne devient pas père déroge à une fonction sociale, tandis qu'une femme est censée jouer dans la maternité la réalisation de son identité profonde". Trop de pression. Corinne Maier, citée par Mona Chollet dit " vous voulez l'égalité ? Commencez par cesser de faire des enfants ". Alors cela peut paraître très rude. Cependant, dans mon petit environnement, les femmes qui ont des enfants sont des femmes fatiguées, épuisées, blasées. A quel moment cela peut-il donner envie de procréer ? Il est certain que l'incapacité de beaucoup d'hommes à s'impliquer dans l'éducation des enfants joue un rôle important et explique pourquoi ces femmes ont toujours l'air au bout de leur vie. C'est un risque que de mon côté je ne veux pas courir et puis merde j'ai des passions et un chat, c'est déjà bien suffisant. L'autrice me déculpabilise totalement et c'est rafraichissant parce que les remarques du genre "tu verras tu changeras d'avis", "tu es égoïste quand même",... cela commence à bien faire. Qui sont ces gens, quels sont leur réseaux ?
La femme âgée. Si vous allumez votre télévision ou feuilletez un magazine féminin ou masculin (que je déteste ces cases), c'est un peu comme la cuillère dans Matrix elle n'existe pas ou en tout cas on ne veut pas la voir. Mona Chollet nous parle "de ce sentiment d'obsolescence programmée, de cette hantise de la péremption qui marque toute l'existence des femmes et qui leur est propre : on imagine mal un homme se rouler par terre le soir de ses vingt ans en gémissant qu'il est vieux ". Ce chapitre m'a particulièrement touchée car j'approche de la quarantaine et je me suis sentie vieille dès l'âge de vingt-cinq ans. C'était le début de la fin pour moi, mes seins allaient tomber, ma peau s'affaisser, mes rides s'accentuer. Tout tournait autour de mon apparence, comme si ma valeur était indexée sur celle-ci. Carrie Fisher, citée par l'autrice, a tweeté cette phrase : "Les hommes ne vieillissent pas mieux que les femmes ; ils ont seulement l'autorisation de vieillir". J'ai en fait peur de devenir invisible, cette invisibilité dont parle Barbara Macdonald également citée par Mona Chollet.
Mes observations sont peu de chose par rapport au contenu du livre de Mona Chollet. Sorcières, la puissance invaincue des femmes est fait pour celles et ceux qui souhaitent comprendre les liens entre ces femmes tuées parce que considérées comme non-conformes, dangereuses, suspectes et les femmes d'aujourd'hui qui bien qu'elles ne soient plus brûlées sont toujours considérées comme "anormales" si elles ne respectent pas les règles mises en place par le patriarcat. Le combat n'est pas fini.
À lire, à découvrir
Lisez donc Sorcières, la puissance invaincue des femmes que vous trouverez aux éditions Zones pour la somme de 18 euros. L'écriture est fluide, le bouquin est rempli de références qui feront exploser votre wish list de livres à lire.
La lecture vous donne des boutons ? Alors vous ne lisez pas ce blog et je parle dans le vent mais attendez les podcasts c'est fantastique, on peut les écouter partout et on a les mains libres : Un podcast à soi sur Arte Radio, tous les premiers mercredis du mois. Parfait pour explorer le féminisme, les codes du genre ou encore l'égalité. Dernier épisode intitulé "L'horloge biologique, on t'a pas sonnée, un enfant si je veux quand je veux".
Parlons bien, parlons comics avec Bitch Planet écrit par Kelly Sue DeConnyck et dessiné par Valentine De Landro. Des femmes sont jetées en prison dans l'espace parce que "non-compliant" soit non-conforme. Chez Image Comics en anglais et pour la version française chez Glénat.
Soyez fières d'être féministes et soyez fiers d'être pro-féministes.
Ah merde... Fait vraiment que je le lise, ce bouquin. Il est en train de traîner chez moi en attendant que je puisse à nouveau ouvrir un livre... J'ai honte...
RépondreSupprimerAller, je vais me mettre un coup de pied au c**. Elle cite Carrie Fisher, tout de même !