Guerre et paix au Nigéria : L'autre moitié du soleil
Quoi ? Elle va encore nous parler d'un livre de Chimamanda Ngozi Adichie ? Elle n'en a pas marre de cette autrice ? Elle pourrait, allez, nous parler du dernier bouquin de Bret Easton Ellis, juste pour la blague, qu'on se marre un peu devant autant de médiocrité et de paresse intellectuelle.
Eh bien non et d'ailleurs si vous aviez pris la peine de laisser entrer dans votre vie ne serait-ce qu'un seul livre de mon écrivaine fétiche du moment, vous ne seriez pas là à venir me chercher des noises.
L'autre moitié du soleil c'est typiquement le genre d'histoire qui génère un flot d'émotions intenses que j'ai beaucoup de mal à décrire. Je les ressens, elles sont toutes là, à l'intérieur, et maintenant je dois réussir à vous les transmettre. Ce n'est pas gagné mais je n'ai pas la possibilité de rendre les choses plus simples en vous faisant visiter mon intérieur. Alors c'est parti.
Nigéria, années soixante. Le pays a obtenu son indépendance en 1960. Il n'est pas le seul, 1960 pour l'Afrique est un tournant. Le début de la fin des empires coloniaux dans cette région du monde. Après les guerres, les violences et les humiliations, l'espoir renaît, de nouveaux projets se dessinent, tout semble possible. Cependant, les anciens colonisateurs mettent leur nez dans les affaires de ces nouveaux États pour continuer d'exercer leur influence, pour l'argent, parce qu'il est dur de lâcher des endroits où ils avaient le pouvoir et où ils ont tout foutu en l'air pour leurs propres intérêts.
C'est dans ce contexte historique qu'évoluent les personnages de L'autre moitié du soleil.
Olanna et Kainene sont jumelles, de "fausses" jumelles. Olanna la ravissante et Kainene qui se décrit toujours avec humour car "L'avantage quand on est le laideron de la famille, c'est que personne ne se sert de toi comme d'appât sexuel". Deux femmes fortes et cultivées, issues d'une famille riche. L'une enseigne, l'autre reprend une partie des affaires de son père. L'une est amoureuse d'un intellectuel doté de puissantes convictions et idéaliste, Odenigbo le magnifique et l'autre s'éprend d'un journaliste britannique, timide, en retrait, toujours mal à l'aise, Richard l'inquiet.
Ugwu, le boy d'Odenigbo, observe avec attention ces couples passionnés et passionnants. Âgé de treize ans au début du roman, il va suivre les aventures tourmentées de ces personnages et être lui aussi emporté par des événements qui le dépassent.
En 1967, la guerre du Biafra éclate et comme toute guerre qui se respecte la violence, les tueries, les massacres, les viols et j'en passe se multiplient. C'est un package. Si vous achetez une pochette surprise de la guerre, tout est dedans. Avec la guerre du Biafra, il y a un bonus : la famine, qui va bien faire son job et éradiquer pas mal de monde dont beaucoup d'enfants. Oui c'est moche et là je n'arrive plus à faire de blague ou être légèrement cynique.
Les personnages de Chimamanda Ngozi Adichie vont vivre toutes ces horreurs. Pendant longtemps, ils se pensent à l'abri, puis une fois la guerre déclarée se persuadent que celle-ci ne va pas durer, que tout va s'arranger rapidement. Parfois, refuser de voir la réalité en face permet de survivre. L'autrice nous fait non seulement découvrir un conflit, ses tenants et aboutissants mais elle n'oublie pas de faire vivre ses personnages, de décrire ce qu'ils ressentent, leurs forces et leurs faiblesses car même si la toile de fond est un récit sanglant et destructeur il y a la vie qui continue.
Olanna, s'interrogeant, " Est-ce l'amour, ce besoin irraisonné de t'avoir à mes côtés la plupart du temps ? Est-ce l'amour, ce sentiment de sécurité que j'éprouve dans nos silences ? Est-ce ce sentiment d'être à ma place, d'être complète ? " et touchée en plein cœur par les désillusions de son amour Odenigbo, homme brisé, perdu. Kainene, qui se relève toujours, qui préfère mettre en avant son pragmatisme que de se laisser submerger par les violences qui l'environnent et Richard, son amant, homme blanc, amoureux et admiratif de cette femme et de ce pays, impuissant, doutant constamment et essayant tant bien que mal d'être utile.
Autour d'eux, toujours, Ugwu, qui grandit, rencontre les difficultés habituelles de l'adolescence tout en étant victime d'une guerre qu'il subit et où il ne peut rien maîtriser.
Je n'ai qu'un mot pour résumer l'histoire de L'autre moitié du soleil : l'espoir. Il est parfois naïf mais tellement juste. C'est cet espoir qui permet de ne pas sombrer, de tenir debout. Il est indispensable. J'ai refermé ce livre avec un sentiment de vide et de solitude, la boule dans la gorge mais avec ce petit bout d'espoir qui m'explique qu' " un bonheur tout uni nous devient ennuyeux ; il faut du haut et du bas dans la vie ".
À lire, à découvrir
Si comme moi , vous avez envie de respirer la joie de vivre après la lecture de L'autre moitié du soleil, vous pouvez l'acheter dans votre librairie préférée au prix de 10,80€ et c'est chez Folio.
Je vous recommande également de lire ou relire mon billet sur Americanah pour découvrir un peu mieux Chimamanda Ngozi Adichie.
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